Du Miguel COIMBRA dans le texte

Dans le petit monde des illustrateurs de jeux de société, il en est qui trempent leur plume (numérique) dans les dés de couleurs depuis pas mal de temps...
Parmi ceux-ci, Miguel COIMBRA est une référence en la matière, tant au niveau de la quantité que de la qualité de ses productions. Et si les éditeurs de jeux font souvent appel à lui, c'est parce que son travail est tout simplement remarquable. Il n'y a qu'à observer les jeux qu'il a illustrés pour s'appercevoir qu'en plus, ce sont des jeux qui ont connu des gros succès :  
7 Wonders, Cyclades, Smallworld, Cargo Noir, La Cité des Voleurs pour ne citer qu'eux !






Tous ces jeux ont eu leur (très bon) lot d'extensions, ce qui prouve aussi leur qualité et leur reconnaissance auprès des joueurs. Parmi celles-ci, l'extension "Leaders" de 7 Wonders n'est pas la plus vilaine graphiquement, loin de là !

Retour donc sur une petite interview de Miguel COIMBRA, réalisée en avril 2011... Oui, ok, ça date un peu, mais c'est toujours aussi intéressant...

Bulle de jeux (BDJ) : Bonjour Miguel Coimbra
Miguel Coimbra (MC) : Bonjour Bulle de jeux

BDJ : Que faisiez-vous avant d’être l’illustrateur que beaucoup de joueurs connaissent aujourd’hui ? Quelle a été votre formation ?
MC : Je travaillais dans le jeu vidéo chez une société qui s’appelle Eden Games, j’étais concepteur graphique (interface), et concept designer. Je dessinais des décors qui étaient ensuite modélisés par des artistes 3D. J’ai eu toutes sortes d’expériences professionnelles avant, la conception de site web ou encore de la hotline informatique. Je suis autodidacte dans le dessin, je n’ai donc pas de formation dans ce domaine

BDJ : Pas trop débordé en ce moment ?
MC : En ce moment ça va, je suis entre deux projets, je réalise des couvertures de romans et quelques designs pour le jeu vidéo

BDJ : Au fil des jeux, prenez-vous toujours autant de plaisir à dessiner dans cet univers historiquo-antiquo-mythologique ? (7 Wonders, Cyclades, Les Géants de l’Île de Pâques…)
MC : Oui il est vrai que je dessine souvent dans ce thème mais c’est plus par effet de commande, les clients ont vu un jeu et veulent en général la même chose ; j’ai une préférence pour les thèmes fantastiques mais j’aime a peu près tous les thèmes. Ce que j’aime faire c’est dessiner avant tout

BDJ : Cyclades, se joue dans un univers mythologique avec des personnages déjà dessinés de très nombreuses fois. Est-il facile de faire quelque chose de différent de ce qui a déjà été dessiné ou au contraire, préférez-vous vous en inspirer ?
MC : Et bien disons qu’il y a des codes à respecter mais je dirais : les deux mon capitaine ! Quand il y a des références que je trouve intéressantes je m’en inspire sinon et bien j’invente avec mon bagage à moi c’est à dire ce qui m’inspire en général et mes références visuelles

BDJ : Dans Smallworld, le ton est plutôt humoristique. Dans Cargo Noir, les illustrations sont proches de la bande-dessinée. Dans ces deux cas, est-ce une demande de la part du duo éditeur-auteur ou un choix que vous avez proposé ?
MC : C’est une demande de l’éditeur, en général les éditeurs (notamment Days Of Wonder) ont une ligne éditoriale précise ou une idée du rendu qu’ils souhaitent pour leur jeu . Après c’est assez général pour que je puisse proposer des choses personnelles et j’ai donc pas mal de libertés a ce niveau tant que cela reste dans le cadre initial

BDJ : Comment se passent les relations entre les 3 serviteurs des jeux de société que sont l’auteur, l’illustrateur et l’éditeur ? Qui propose, qui dispose ?
MC : C’est un milieu assez « cool » pour que chacun puisse intervenir et donner son opinion. Je dirais tout de même que c’est l’éditeur qui se charge de coordonner un peu le tout, ça fait partie de son rôle

BDJ : Personnellement, préférez-vous être guidé (par les auteurs et éditeurs) ou au contraire, avez-vous besoin de beaucoup de liberté pour laisser s’exprimer votre imagination ?
MC : J’aime avoir des petits briefs ou descriptions courtes. Cela me permet surtout d’avoir a peu près l’idée de ce qu’ils veulent et d’éviter les hors sujets complets. Les descriptions trop longues et cadrées (notamment celle qui suggèrent trop d’éléments visuels) je n’aime pas trop, le visuel c’est plutôt ma partie donc je préfère avoir main mise dessus, faire de la direction artistique ça me plaît aussi.

Le Minotaure (Cyclades - 2009)

BDJ : Travaillez-vous aussi les versions 3D des figurines de jeux comme pour La Cité des Voleurs ou Cyclades ?
MC : Sur Cyclades oui, j’ai fais les concepts des figurines, et réaliser quelques retours avec les sculpteurs

BDJ : Le travail à plusieurs illustrateurs comme pour Intrigo (avec Edouard Guiton) rend-il la tâche plus facile ou au contraire y en a-t-il toujours un mécontent qui veut refaire le travail ?
MC : En fait, aussi étonnant que cela puisse paraître il n’y a pas d’échanges entre nous. Je reçois les crayonnés d’Edouard qui sont déjà validés par l’éditeur. En général j’essaie d’adapter mes couleurs dans le style du dessinateur et de respecter un maximum son trait ; c’est un autre type de boulot

BDJ : Cela vous dérange-t-il pas que le nom des illustrateurs de jeux de société ne soit parfois même pas présent sur la boîte d’un jeu ?
MC : Si complètement, je ne comprends pas trop pourquoi d’ailleurs, en bande dessinée le dessinateur est aussi important que le scénariste alors pourquoi pas dans le jeu de société, surtout qu’aujourd’hui les joueurs achètent difficilement un jeu moche

BDJ : Participez-vous à beaucoup de salons de jeux au cours de l’année ?
MC : Assez peu, mon emploi du temps est assez bien rempli entre ma vie professionnelle et vie de famille mais ça devrait s’améliorer dans le futur

BDJ : Pour en revenir à votre travail, vous êtes plutôt crayon et gomme ou palette et « delete » ?
MC : Palette et delete à 100%  ! J’ai quasiment tout appris sur ce média j’ai donc plus d’affection pour celui ci même si il m’arrive de gribouiller au crayon de temps en temps pour le plaisir

BDJ : Dans 7 Wonders, on a l’impression que vos illustrations sont des tableaux. Comment faites-vous cela ?
MC : Hé hé, j’essaie de travailler à la couleur directe et de donner un côté un peu peinture pour éviter l’effet trop 100% ordi justement

Amitys (7 Wonders extension Leaders)

BDJ : Juste comme ça pour évaluer ce que cela peut représenter : combien de temps avez-vous mis (à peu près) pour créer une illustration comme celle-ci ?
MC : Il me faut dans les 3h a peu près

BDJ : N’êtes-vous pas frustré par les petits détails de certaines illustrations qui ne se voient presque plus lors de la réduction des images à la production ?
MC : Pas du tout j’essaie justement de travailler l’illustration en fonction de son format, certaines sont souvent reprises en grand pour des raisons marketing c’est pour cela que je les détaille un peu plus.

BDJ : Avez-vous un détail fétiche que vous arrivez à recaser dans les jeux que tu vous illustrez ?
MC : Non pas spécialement

BDJ : N’en avez-vous pas assez de répondre aux sollicitations, certainement de plus en plus nombreuses, dues aux à la reconnaissance de votre travail ?
MC : Je n’en suis pas encore à signer des autographes dans la rue ! Je réponds donc avec plaisir aux nouvelles propositions ou aux sollicitations de joueurs

BDJ : Plus de reconnaissance, c’est certainement plus de demandes d’illustrations dans le monde du jeu. Cela veut-il dire moins de temps pour travailler ou plus de poids pour « imposer » vos idées et vos délais ?
MC : C’est surtout la chance inouïe pour un dessinateur de pouvoir choisir ses projets !

BDJ : Vos très nombreux travaux dans le monde des jeux de société ne vous ont-ils pas donné envie de créer votre propre jeu ?
MC : Je pense qu’on ne s’improvise pas game designer, c’est un vrai métier où il faut énormément d’expérience je laisse donc ça aux auteurs expérimentés

BDJ : Avez-vous joué à tous les jeux que vous avez illustrés ? Lequel avez-vous préféré, en tant que joueur ?
MC : En fait mon entourage ne joue pas beaucoup donc il m’est assez difficile de jouer à mes jeux. J’ai quand même joué à 7 Wonders récemment que j’ai beaucoup aimé

 
Détail du plateau (Les Géants de l'Île de Pâques-2008)

BDJ : Il est arrivé à mes oreilles que vous étiez un « éternel insatisfait » en termes d’illustration. Malgré cela, vers lequel de vos travaux du monde ludique va votre coup de cœur d’illustrateur ?
MC : J’aime bien Les Géants de l’île de Pâques où je suis assez content de mon plateau ; c’est également mon premier jeu complet. J’ai aussi un très bon souvenir de Cargo Noir, où je me suis bien éclaté sur le style graphique assez inédit pour moi

BDJ : A votre avis, pourquoi beaucoup de joueurs aiment-ils la bande-dessinée ?
MC : J’imagine que c’est la suite logique, avec les jeux il s’évadent et s’inventent des histoires aussi. Je pense que c’est l’imaginaire qui lie un peu ces deux mondes et qui plait tant aux joueurs

BDJ : D’ailleurs, quels sont vos auteurs de bande-dessinée préférés ?
MC : Je ne vais pas être objectif, je vais citer un de mes amis, Florent Maudoux pour sa bd "Freak’s Squeele" !

BDJ : Votre film préféré ?
MC : pas vraiment un film, un série que j’adore « Six feet Under »

BDJ : Quelle bonne musique mettez-vous dans vos z’oreilles ?
MC : Soul music, funk, j’aime la music de blacks

BDJ : Si je vous invite à la maison pour un repas local (crêpes et chouchen), quelle sera la garniture de votre première galette ?
MC : Plutôt classique jambon fromage

BDJ : Avant de nous quitter, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos prochains projets ?
MC : Et bien je viens juste de boucler quelque chose d’assez gros en relation avec Smallworld, sûrement d’autres extensions de jeux existants et des couvertures de romans. Pour les autres projets, ils restent secrets...

BDJ : Je vous remercie de ce temps que vous nous avez accordé. Je vous laisse le mot de la fin...
MC : Merci pour cette interview et longue vie a la Bulle de Jeux !

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